La datation des Evangiles et la langue du Nouveau Testament
Le premier commentaire parle d’un livre publié aux éditions OEIL les extraits proviennent du livre « le christ hébreu » de Claude Tresmontant
Le deuxième commentaire (en projet) rapporte le livre des auteurs David Bivin et Roy Blizzard Jr et leur livre « Comprendre les Mots difficiles de Jésus »
Le philosophe Claude Tresmontant en publiant en 1983 le Christ Hébreu, entendait montrer que les Evangiles, avant d’avoir été rédigés en langue grecque, avaient été composés en hébreu peu de temps après la mort et la résurrection du Messie.
Ce qui allait à contre courant de l’opinion la plus répandue parmi les exégètes et théologiens qui situaient la rédaction des Evangiles entre les ans 65 et 120. Si l’Evangile de Luc par exemple avait été écrit en grec à la fin du 1er siècle, il y aurait eu un commentaire, au moins une remarque sur la destruction du temple une trentaine d’années auparavant. Cet Evangile ignore la prise de Jérusalem, les massacres par Néron, la mise à mort de Jacques. La zone de probabilité pour la composition de cet Evangile paraît être entre 40 et 50 après JC.
En France le Père Jousse avait le premier suggéré l’idée d’une rédaction antérieure des Evangiles. C’est la voie qu’à empruntée Claude Tresmontant en s’appuyant sur sa parfaite connaissance des langues anciennes (hébreu, grec, latin) … » c’est à cause de cela que nous pouvons, nous, en cette fin du XXe siècle, démontrer que nos quatre Evangiles grecs sont de part en part, de bout en bout, des traductions faites à partir de documents écrits hébreux antérieurs. »
Quelle est la méthode de Claude Tresmontant ?
Il commence par comparer le texte hébreu de l’Ancien Testament avec la traduction grecque dite des Septante (destinée aux juifs de la première diaspora qui ne connaissaient plus l’hébreu). Grâce à cette comparaison il constate l’existence d’une correspondance constante entre l’hébreu et le grec. Autrement dit, de toute évidence les traducteurs du V ème siècle avaient mis au point un dictionnaire hébreu/grec pour traduire le texte sacré avec cohérence. Lorsqu’on a reconstitué ce lexique hébreu-grec traditionnel, on reconnaît aussitôt que tous les textes du Nouveau Testament sont écrits avec ce même lexique; ce qui signifie donc que les Evangiles sont des textes traduits de l’hébreu, selon la même méthode que celle employée par les traducteurs de l’Ancien Testament du V ème siècle avant J-C.
Tresmontant propose plusieurs démonstrations du fait que les textes grecs de nos quatre évangiles sont des traductions mot à mot des textes hébreux antérieurs. Par exemple les jeux de mots qui fonctionnent en hébreu et qui ne fonctionnent plus en grec (Mat 1,21); – Des structures linguistiques propres à l’hébreu, qui sont traduites d’une manière littérale en grec, ce qui donne alors un résultat saugrenu. De plus l’ordre de la phrase est l’ordre hébraïque et non pas grec (en hébreu on place le verbe en tête de phrase, pas en grec). Les expressions typiquement hébraïques décalquées en grec sont souvent inintelligibles pour un lecteur païen de la fin du 1er siècle.
L’ordre hébreu des mots, la structure de la phrase hébraïque, est quelque chose de très particulier. En tête, le verbe, puis le sujet de la proposition, puis les compléments d’objet direct, puis les compléments de lieu, de circonstances, etc. Genèse 13,1: Et il monta, Abram, d’Egypte, lui et sa femme…Genèse 29,1:Et il souleva, Jacob, ses pieds, et il s’en alla au pays des fils de l’Orient…
Ainsi Claude Tresmontant a-t-il entrepris de retraduire les Evangiles en repassant par l’hébreu et en respectant donc la syntaxe du texte original, ce qui selon les mots de Georges Daix (journaliste à « l’homme nouveau » extrait 4/8/91) donne « comme un bain de jouvence » à des textes que nous connaissons bien et que nous avons l’impression de découvrir à nouveau et d’entendre comme les entendait la première génération chrétienne ».
« Lorsque nous retrouverons la structure, la composition, la forme, la constitution de la phrase hébraïque dans les Evangiles, nous pourrons être sûrs qu’il s’agit d’une traduction d’un texte hébreu en langue grecque; mais cela ne se voit pas dans les traductions françaises qui sacrifient l’ordre hébreu au profit du génie propre de la langue française. »
Il existe deux éditions de cette traduction remarquable; l’une avec toutes les explications de traduction verset par verset, en quatre volumes; l’autre en un seul petit volume très maniable, allégé de ses notes. Cet ouvrage est seulement accompagné d’une préface explicative et suivi d’un lexique qui permet au lecteur, habitué à d’autres traductions, de voir et comprendre pourquoi tel mot auquel il a été accoutumé a été traduit par un autre mot.
Pour Tresmontant donc, « les documents hébreux originaux sont des notes prises au jour le jour et donc contemporaines du Rabbi ». Or la découverte selon laquelle le fragment de papyrus trouvé dans la septième grotte de Qumran et répertorié sous le sigle 7Q5, sur lequel le P. O’Callagham a retrouvé les traces des versets 52 à 53 du chapitre 6 de l’Evangile de Saint Marc, confirmerait les hypothèses de Tresmontant puisque ce manuscrit est antérieur à l’an 50.
Cette découverte du grand philosophe français « est un des faits les plus importants de ces dernières décennies pour l’Eglise », selon le mot de Don Divo Barsotti, auteur de commentaires spirituels de l’Ecriture Sainte (parus en 12 volumes chez Téqui)
P. Mirault
Le Christ hébreu (320 pages) « la langue et l’âge des Evangiles »
Claude Tresmontant Correspondant de l’Institut 1983
du même auteur : Le Prophétisme hébreu » Editions Gabalda et Sciences de l’Univers métaphysiques » Edit.Seuil
Présentation de Mgr Jean-Charles Thomas
Les Evangiles et l’Apocalypse (en 5 volumes )
Les Evangiles (475 pages)
aux éditions O.E.I.L.,
Paris,
« On rape, on gomme, on rabote l’hébreu, on arrache les ronces, on élimine toutes les expressions hébraïques qui sont impossibles en français et on trouve une traduction lisible qui a perdu toute la sauvagerie de la végétation originale et originelle, on a perdu le sel, le goût, on les a rendus « civilisés »
Claude Tresmontant a enseigné pendant plusieurs années à la Sorbonne la philosophie des sciences. Il y enseigne la philosophie médiévale. Ses travaux et publications portent d’une part sur l’origine de la pensée chrétienne depuis ses origines hébraïques jusqu’à la crise moderniste, et d’autre part sur des problèmes relevant de la philosophie des sciences. Il a obtenu le prix Maximilien Kolbe en 1973 pour l’ensemble de ses travaux. Depuis son premier ouvrage en 1953 à la pensée hébraïque, il n’a cessé d’approfondir sa science de l’hébreu et de s’interroger sur le texte grec des Evangiles. Il travaille en particulier depuis plusieurs années à établir un dictionnaire hébreu-grec.
Les disciples prenaient des notes: celles-ci étaient prises en hébreu (l’araméen était une langue parlée et l’hébreu une langue écrite). C’est tout naturellement que les disciples instruits et lettrés ont noté les propos gestes et actes du Seigneur. Il est même absurde à priori de supposer qu’ils ne l’aient pas fait puisqu’ils considéraient le rabbi galiléen beaucoup plus grand que les prophètes Amos, Osée, Isaïe ou Jérémie dont les oracles avaient été écrits.
Il est vraisemblable qu’il devait exister plusieurs recueils de notes écrites en hébreu.
Dans les synagogues du bassin de la Méditerranée, et à Jérusalem même, il se trouvait des frères et soeurs qui ne lisaient pas l’hébreu mais bien la langue grecque. Il faudra donc traduire en grec ces recueils rédigés en hébreu.