« Dis, maman, pourquoi on les emmène ? » – Telle est la phrase que j’aurais émise en ce petit matin du 16 juillet 1942, aux dires de ma défunte mère qui, en bonne Napolitaine, bavarde et fière de son rejeton, manquait rarement une occasion de ressasser l’événement dont je reprends ici le récit que j’en ai fait il y a de nombreuses années, mais qui n’a pas été rendu public. Juillet 1942 Ce soir, j’ai du mal à m’endormir. Une scène me revient avec insistance. Elle remonte au sinistre coup de filet lancé, en juillet 1942, par le gouvernement collaborationniste de Vichy, et auquel la rumeur populaire a donné le nom de rafle du « Vel- d’Hiv’ »… Ce petit matin de l’été 1942, des agents de police ont fait irruption dans l’immeuble où habitait ma famille pour emmener les Rosenbaum, en leur qualité de juifs polonais. Monsieur Rosenbaum, toujours malade, ne sortait presque jamais de l’appartement. Sa femme travaillait dans la petite blanchisserie située en bas de chez nous, qui sentait bon le linge propre, et à laquelle le jacassement permanent des lingères conférait des allures de lavoir de campagne. Et voici qu’à l’aube de ce jour-là, on était venu emmener « les juifs » de mon immeuble. C’était sans doute pour sauvegarder la paix des autres Français qu’ils avaient l’ordre de rafler les juifs, ces deux agents à pèlerine bleu marine et képi familier, qu’on appelait alors, le plus sérieusement du monde « gardiens de la paix »… « Ordre de transfert », était-il écrit sur le papier officiel qu’ils avaient tendu à madame Rosenbaum, haletante et en chemise de nuit, sur le palier. ………………………………